Riant aux papillons d’or évoque une aventure vécue à la lumière du Roi Lear (Shakespeare). Ce genre d’aventure s’appelle aujourd’hui un « accompagnement ». Celui que j’ai accompagné, et continue d’accompagner dans ce « roman », est mon père, un quasi-centenaire qui a été ingénieur, vient d’être diagnostiqué Alzheimer, mais garde encore beaucoup, beaucoup de caractère.
L’accompagnante, la narratrice, est sa fille, peintre et écrivain dans la soixantaine. Presque tous les jours, de 2000 au 29 janvier 2004, elle est allée chez son père. Elle a observé avec émotion, admiration et agacement ses façons de parler et de se comporter. De vieilles oppositions en ont profité pour refaire surface. Les traces de chocs frontaux. Mais aussi des attachements et des attirances dont elle ne se doutait pas. Ces quatre années furent à l’image de mon père : concrètes, tendres, courageuses, tragiques, cocasses, intemporelles, saugrenues.
« (…) Ce n’est pas vraiment triste. Ou pas encore. Ou pas tous les instants. C’est autre chose. Une sorte de révélation. La vie, notre vie, a changé de ton et d’allure. Nous avons moins envie de nous distraire. Ou moins souvent. Ou plus follement… Quelque chose d’autre a commencé. Qui n’est pas funéraire. Qui n’est même pas une agonie. Quelque chose qu’on ne sait pas. Qui prendra du temps ? Ou n’en prendra pas ? Quelque chose, en tout cas, de diablement là ! Plus diablement là que tout ce que nous pouvons goûter, toucher, voir ou entendre. De ce quelque chose nous ne connaissons que le nom : la mort (…) »